Série Parménie
Légende n°6 : Bebby.
Elle sappelait Bebby. Cétait une enfant brebis de 6 mois, belle comme un ange. Sa toison dorée se miroitait dans leau de la source lorsquelle venait boire et souvent quelques larmes qui perlaient de ses yeux dessinaient sur leau cristalline des cercles que le courant effaçait en les emportant au loin. Elle avalait de petites gorgées en tressaillant dangoisse alors que son regard scrutait les rochers alentours. La peur sétait installée dans son petit corps fragile depuis que la harde de loups avait fondu sur le troupeau. Beaucoup de ses compagnons furent massacrés, égorgés par ces sauvages animaux alors que les autres périrent en senfuyant parmi les rochers et les crevasses. Par miracle, elle avait trouvé refuge dans une anfractuosité rocheuse, ce qui lui avait sauvé la vie. Mais depuis, elle pleurait le jour, elle pleurait la nuit, ne dormait plus, pleurait sa famille et tous ses compagnons. Le berger affolé, sétait enfui dans la vallée et nosait plus remonter dans ce pâturage maudit. Même les chiens se terraient plus bas dans la vallée.
Ses oreilles attentives au moindre bruit venant de la montagne, nentendaient pas le ruisseau courant dans lherbe, sur son lit de pierres brillantes murmurer sa douce chanson. Parfois, il lui parlait, mais elle ne lentendait pas. Pourtant, près de lui, dans le berceau de son murmure un vague bien être lenvahissait. Mais sa frayeur était trop grande pour quelle ose rester trop longtemps à découvert. Plusieurs jours coulèrent ainsi sans quelle naperçut une de ces bêtes monstrueuses presquaussi terribles que certains hommes. Mais elle savait que lorsquils auraient terminé de nettoyer les carcasses de ses compagnons tombés aux pieds des rochers, ils repartiraient à la chasse. Rien néchappe aux loups. Les plus innocents sont les premiers à être voués à périr. Les loups sont solidaires entre eux comme le sont les mauvaises gens harcelant sans cesse les paisibles troupeaux.
En trottinant elle repartit vers son abri, déjà inquiète pour sa journée du lendemain. Elle navait pas mangé depuis plusieurs jours mais elle navait pas le courage de se baisser pour grignoter quelques brins dherbe. Son estomac sétait refermé, verrouillé par la peur.
Le lendemain matin un sombre pressentiment vint sajouter à son angoisse. Ses pattes affaiblies peinaient pour la porter. Tenaillée par la faim et la soif elle devait sortir de son trou.
Elle savait que si elle nallait pas jusquau ruisseau, elle allait mourir dinanition et que bien vite il ne lui serait plus possible de faire un pas. Alors, lentement, elle sortit de son abri et dun pas hésitant se dirigea vers le ruisseau. Et là, elle se désaltéra. Elle navait pas remarqué les jours précédents lherbe fine et tendre qui poussait sur le bord. Aussi, guidée par son instinct elle commença à brouter alors que le ruisseau reprenait son chant mélodieux. La douceur de lherbe, lenchantement de la mélodie du ruisseau embaumaient son petit cur meurtri. Un moment, elle oublia son angoisse et savoura la douceur de ces quelques minutes de paix . Le charme qui émanait de ce petit coin tranquille au pied des grands pics dans cette immense prairie de montagne berçait ses pensées. Lair sembaumait des parfums des pâturages alpins, mélange grisant dodeurs de sapins et de fleurs sauvages. Le soleil enjambait le rideau des montagnes et lui réchauffait le dos.
Enfin soulagée, elle leva la tête et son regard sarrêta sur une tâche au fond du pré. Une ombre inquiétante qui semblait la fixer de ses yeux fauves. Horreur ! Elle reconnut la tête dun loup. Affolée, elle tourna la tête et à son grand effroi, elle vit de toutes parts des têtes menaçantes qui formaient un grand cercle dans la prairie. Pendant ces quelques instants où son attention sétait relâchée les loups lavaient repérée et la tenaient prisonnière dans un espace sans issue. Le museau au ras de lherbe, la gueule grande ouverte exhibant leurs terribles crocs, ils avançaient lentement sur leur proie sans défense. Bebby recula et tomba dans le ruisseau. Leau ne cessait de lui parler mais elle ne pouvait lentendre tant la frayeur la paralysait. Les loups continuaient à avancer lentement. Le cercle se rapetissait. Elle savait que dès quils seraient près delle, ils accélèreraient lallure pour fondre sur elle comme une masse sanguinaire. Le ruisseau peu profond ne leur poserait aucun problème.
Il sen passe des choses dans la tête lorsque la terreur règne en vous. Il semblait à Bebby que les eaux sagitaient, que le ruisseau devenait plus large comme pour mieux la retenir. Elle ne pouvait imaginer un autre danger tant celui représenté pour elle par les loups était immense. Derrière elle, elle aperçut une grande pierre plate effleurant les eaux de plus en plus tumultueuses. Mais elle navait dyeux que pour les loups qui avançaient sur elle. Une légère brume montait du ruisseau. Elle sélevait dans les airs en sépaississant. Déjà elle voilait le soleil. Le ruisseau sélargissait toujours, alors que le sol tremblait. Les yeux des loups apparaissaient dans la brume comme des phares surgissant de lenfer. Bebby se retourna et vit que la pierre plate sétait légèrement élevée au dessus des eaux de plus en plus torrentueuses. Les loups approchaient du bord et sapprêtaient à bondir sur elle. La terre tremblait de plus en plus fort, la brume sépaississait toujours. Derrière elle la grosse pierre plate scintilla. Des étincelles partaient du bas de la pierre et jaillissaient dans le ciel. Les étincelles se transformaient en étoiles de toutes les couleurs alors que le sol se fendait. Paralysée de frayeur, tout comme on ferme les yeux en voyant la mort approcher, Bebby fixait la pierre tant la vision des yeux des loups leffrayait. Un phénomène étrange se manifestait. Le flot vaporeux, scintillait tout en tournoyant dans une étrange impression de légèreté, comme le feraient des vapeurs irréelles. La pierre devenait de plus en plus lumineuse. Un grand bruit soudain se produisit et dans un vacarme épouvantable, la terre souvrit sur le bord du ruisseau. Dans une dernière chevauchée, les loups lancés sur Bebby trouvèrent soudain le vide sous leurs pattes et sombrèrent sans comprendre dans une profonde crevasse. Ils arrivaient comme des fous leur langue rouge pendante hors de leurs gueules monstrueuses. Ils tombaient dans la crevasse comme les moutons affolés tombent des falaises. Les cieux semblaient sêtre déchaînés et grondaient leur colère. Des éclairs zébraient le ciel comme pour annoncer la fin du monde. La pauvre enfant brebis abasourdie ne comprenait plus rien. Sa chair tremblait déjà sous la morsure des loups alors que les fauves étaient précipités dans les entrailles de la Terre là où tous les barbares vivront leur éternité. Tous les êtres à lâme noire et aux mains sales.
Tout devenait incompréhensible, contradictoire, démesuré. Alors que les grondements des cieux, résonnaient dans la montagne elle entendait une voix douce lui parler. Lentement elle se retourna. Sur la pierre blanche, une belle jeune fille à la peau pigmentée et revêtue dune éclatante robe de tulle blanc aux reflets chatoyants lui souriait. La longue traînée de sa robe flottait au dessus des eaux tumultueuses. Elle se baissa, prit Bebby dans ses bras et la caressa.
- Je suis la fée Charmante. Ne crains rien Bebby, je suis venue te chercher. Je temmène avec moi à Parménie où tu seras choyée par moi et mes amis.
La petite brebis nen croyait pas ses yeux émerveillés. Elle sortit sa petite langue rose et se mit à lécher les joues de la petite fée qui la serra un peu plus fort dans ses bras. Les éléments déchaînés se calmaient progressivement. Le calme de la montagne reprenait ses droits. Et, comme dans un rêve merveilleux toutes deux senvolèrent dans les nues. Des paysans dans la vallée, intrigués par les bruits qui grondaient dans la montagne dirent avoir vu passer un ange. Mais personne ne les crut. Heureusement ! Les légendes sont faites pour ceux qui comme nous ont le cur pur et voient et entendent ce que les autres ne peuvent ni voir ni entendre. Pensez-vous quun banquier, un homme daffaires ou un ministre des finances puissent croire aux légendes ? Non, bien sûr ! Nous, oui ! . Bien sûr.
Fin.
Vincent Patria Echirolles le 7 janvier 2001