Série Parménie

Légende n°2 : Le Royaume d'Effray.

3éme Partie.

5.

Le détachement se dirigeait droit sur eux, preuve irréfutable qu’ils savaient où ils étaient. Les trois êtres autour d’elle ne cachaient pas leur inquiétude. Nolwenn sentait l’angoisse monter en eux.

- Si vous avez peur, cachez-vous, concéda la jeune fille, moi je les attends.

Barnum prit le blessé dans ses bras et s’enfonça dans la forêt, suivi de l’autre Minustros. Quelques instants plus tard, il revint alors que la colonne n’était plus qu’à une centaine de mètres de Nolwenn.

- Pourquoi n’es-tu pas resté avec eux, lui demanda la jeune fille ?

- Je te l’ai déjà dit, je ne t’abandonnerais pas.

Nolwenn posa affectueusement sa main sur sa tête en le gratifiant d’un sourire.

- Réflexion faite je préfère que tu restes caché avec eux. On ne peut pas laisser Ragon seul avec son compagnon blessé, tant qu’il ne sera pas remis sur pieds.

Barnum hésita quelques secondes avant de disparaître à nouveau dans les fourrés.

A une trentaine de mètres d’elle, le groupe stoppa. Les archers braquèrent leurs arcs dans sa direction, puis l’un d’eux se détacha du groupe et s’avança vers la jeune fille. Il s’arrêta à quelques pas.

- Etrangère, nous devons te ramener morte ou vive dans notre camp. Accepte de nous suivre sinon … et d’un geste il désigna le cercle menaçant pointant ses flèches sur elle.

- Tes menaces sont déplacées et inutiles puisque j’avais l’intention de vous rendre visite.

- Où sont tes compagnons ?

- Ils sont repartis.

- Il y a longtemps ? N’y avait-il pas un blessé ?

- Oh ! Ils sont loin maintenant, ils sont partis en courant. Sa blessure était superficielle.

Le regard de l’homme allait de Nolwenn aux fourrés. Il restait indécis. Enfin il se décida.

- Retournons au village, Méléas décidera si nous devons les poursuivre.

En chemin, l’homme lui posa plusieurs questions mais la jeune fille préféra ne pas lui répondre. Le voyage se fit en silence.

Le village ressemblait étrangement à celui qu’elle avait quitté, peut-être un peu plus grand. Tous les habitants s’étaient massés sur le parcours et la dévisageaient d’un air à la fois soupçonneux et inquiet. Méléas l’attendait devant sa grande demeure. Elle ressentait l’hostilité de toute la population à son égard. On la poussa à l’intérieur et des gardiens armés l’encadrèrent. Le roi s’installa sur son fauteuil, face à elle, le visage sévère, le front barré de profondes rides. Ses lèvres épaisses accentuaient cette sensation de contrariété qu’il dégageait. Deux autres hommes très âgés vinrent s’asseoir à ses côtés.

- Qui es-tu étrangère et que fais-tu sur mon territoire ? demanda Méléas.

Nolwenn répéta ce qu’elle avait déjà expliqué à Agamenon. De temps à autres, les trois hommes échangeaient des propos à voix basse.

- Tu entends ce que nous disons, lui dit Méléas, l’œil soupçonneux. Il paraît que tu es dotée de certains pouvoirs.

- Oui, quelques uns. Mais dis-moi ce que tu comptes faire de moi ?

- Nous allons envoyer un messager au grand maître pour lui annoncer que nous tenons une prisonnière intéressante, peut-être qu’ainsi obtiendrons nous un peu d’indulgence de sa part en te livrant à lui.

Nolwenn ne s’attendait pas à une telle décision. Son corps se raidit et la peur commença à s’insinuer en elle.

- Où est Cinoque ?

- Tout comme toi, il est mon prisonnier.

- Félicitations pour ton hospitalité ! Tu commets une grossière erreur en agissant de la sorte. Dans quelques jours le village d’Agamenon sera détruit et tu le sais, ensuite, ce sera le tien. Ton maître est un barbare sanguinaire et tu n’obtiendras rien de lui. Dans moins d’un mois tu finiras dans l’estomac des Korgolans toi et toute ta tribu. Moi je suis venue pour vous aider, pour vous demander d’unir vos villages et de lutter contre ce monstre. Je suis venue en amie et toi tu me traites en prisonnière et veux me donner en pâture à ces monstres. Tu es un lâche et un poltron.

Furieux, Méléas se leva.

- Emmenez-là ! Puis il s’adressa à l’homme qui avait ramené Nolwenn et continua : Perron ! Envoie deux messagers au Grand maître pour lui dire que nous tenons à sa disposition une prisonnière de choix. Je suis certain qu’il sera heureux de posséder une aussi belle esclave.

Les hommes la poussèrent dehors, ou la foule s’écartait pour les laisser passer. On l’enferma dans une petite case après lui avoir attaché les mains dans le dos et délestée de son sac. La hutte était sombre et humide, la chaleur moite dégageait des relents de moisissures. Deux sentinelles se placèrent dehors de chaque côté de la porte verrouillée à l'extérieur par une grosse barre de bois. Plusieurs plots de bois ceinturaient un autre plus imposant faisant certainement office de table basse. Désespérée elle s’écroula sur la table et ne put s’empêcher de pleurer. Son aventure pour essayer de sauver ses parents s’arrêtait là. Elle savait qu’elle n’avait pas le droit de pleurer, mais à bout de forces, terrassée par cette prolifération d’événements dramatiques, seule dans un monde inconnu et hostile, elle craquait. Elle ne comprenait pas cet acharnement des petits hommes noirs contre elle, alors qu’elle voulait les aider. Désemparée, elle essaya d’entrer en communication télépathique avec ses parents. Impossible, ça ne passait pas. Le verrou psychique tenait bon. Pourtant, elle sentait qu’ils n’étaient pas très loin d’elle, certainement prisonniers du monstre dans ce maudit château de l’horreur. Après avoir beaucoup pleuré, à bout de nerfs, épuisée, elle s’endormit.

C’est une rayon de lumière qui l’éveilla. La porte était ouverte. Une femme portant un plateau se trouvait debout contre la table. Plusieurs hommes armés l’accompagnaient. Nolwenn se leva et la femme posa le plateau sur la table. Un homme défit ses liens pendant que les autres braquaient leurs arcs sur elle. Elle s’assit sur un plot prit le pot de terre contenant de l’eau et but longuement sous l’œil amusé de la jeune femme qui restait debout devant elle les yeux pleins d’admiration.

- Tu avais soif .

- Oui ! merci. Cette eau me fait du bien.

- J’en suis très heureuse. Mange un peu, je t’ai préparé une bouillie et je t’ai choisi quelques fruits. Tu dois avoir faim. C’est vrai que tu as des pouvoirs et que si tu voulais nous tuer tu pourrais le faire ?

- C’est vrai.

- Et pourquoi ne le fais-tu pas ?

- Seuls les barbares et les assassins tuent. Je ne suis ni l’un ni l’autre.

- Et la femme ! intervint un homme en bousculant la petite noire. Tais-toi ! Tu n’as pas le droit de parler à la prisonnière.

Nolwenn releva la tête et fixa l’homme droit dans les yeux. Il sentit son corps se raidir et recula lentement soudain calmé.

Le repas terminé, la jeune femme emporta son plateau, un homme attacha de nouveau les mains de Nolwenn et tous sortirent.

Un sommeil agité la tourmenta toute la nuit. Sa tentative audacieuse se terminait lamentablement. Ses parents et grand père étaient prisonniers dans le sinistre château d’Effray et elle prisonnière dans un village de Picaneros bornés et stupides. Son sac était en leur possession, il ne lui restait qu’un atout, son programmateur caché sous sa combinaison de voyage. Il ne lui restait plus qu’une possibilité, profiter d’un repas où on lui détachait les mains pour se saisir discrètement de son programmateur et retourner à Parménie. Cette dernière éventualité signerait l’échec de sa mission. Quelle lâcheté ! Abandonner Cinoque prisonnier, Artémis blessé, ses parents, grand père et tous ces êtres asservis par le monstrueux Effray. Non, elle ne pouvait s’y résoudre. Elle se sentait mal à l’aise dans cet atmosphère moite, elle ressentait le besoin de faire une bonne toilette, mais elle savait qu’elle serait surveillée dès qu’elle serait détachée et risquait de se faire délester de son programmateur. Une catastrophe à éviter à tout prix car dans ces conditions, il lui serait impossible de revoir Parménie.

Pour le déjeuner, le même scénario que la veille se renouvela. Deux hommes pénétrèrent dans la pièce, alors que deux autres restaient à l’entrée. L’un d’eux défit ses liens et la jeune femme, la même qu’hier apparut avec un plateau. Elle lui servit du lait chaud et des fruits, avec un bout de galette. Tout en s’affairant autour du plateau la jeune fille murmura quelques mots, la tête baissée, en bougeant à peine les lèvres, ce qui ne gêna en rien la compréhension du message par Nolwenn car elle lisait ses pensées par télépathie.

- Le messager est parti ce matin pour annoncer au grand maître que Méléas lui faisait don d’une prisonnière exceptionnelle.

- Merci. lui répondit la captive.

Le messager mettrait certainement deux jours à faire le voyage et ensuite, elle, prisonnière d’Effray il ne lui resterait plus aucune chance. Le temps pressait et dans ces conditions le temps prend plaisir à passer vite.

Avant d’être livrée à Effray, on l’autoriserait certainement à faire une grande toilette. A ce moment il lui sera toujours possible de décider, dans la mesure du possible de tenter quelque chose. Pour l’instant, on se contenta de lui remettre une écuelle en bois pleine d’eau pour se rafraîchir le visage.

Soudain, un grand bruit venu de l’extérieur se fit entendre. Le bruit s’amplifia et se transforma en un vacarme assourdissant. Des cris, des galopades. Les deux hommes affolés bondirent dehors alors que les sentinelles se terraient. Nolwenn s’avança vers la porte et assista à un spectacle extraordinaire. Une armure gesticulait devant sa hutte sous une grêle de flèches qui se brisaient sur elle. Puis l’armure braqua un long tube et de sourdes détonations se firent attendre. Les hommes volaient dans l’espace et se retrouvaient projetés plusieurs mètres en arrière où ils restaient étendus sur le sol, les bras écartés. Bien vite, l’espace se vida, les habitants affolés, se mirent à déguerpir tête baissée dans la forêt.

Le chevalier des tempos modernes, s’avança vers la hutte, Nolwenn le regardait venir vers elle, essayant de deviner qui pouvait être ce singulier personnage.

- Nolwenn ! Es-tu là ?

La jeune fille se précipita et sauta au cou de son sauveur.

- Oncle Jacques ! Mais que fais-tu là ?

- C’est à moi à te le demander. Attention ! Doucement ! Tu vas me faire tomber. Si je tombe je risque perdre de mon prestige.

Puis il l’a repoussa doucement, souleva son heaume empanaché.

- Quelle folie d’être venue ici. Pourquoi es-tu partie sans rien dire ?

- Je ne voulais pas t’inquiéter. Je savais que depuis longtemps tu ne te déplaçais plus. J’étais convaincue que papa et maman étaient en danger. Grand-père est parti à leur secours et n’est pas revenu, lui non plus, alors je me suis décidée à voler à leur secours.

- Tu as fait preuve d’une monstrueuse imprudence, tu vas retourner de suite à Parménie.

- Pas question oncle Jacques, je ne repartirai qu’avec eux.

- Nous savions que tu étais porteuse d’une grande destinée, mais nous ne sommes pas maîtres de la vie, avec ton imprudence, ta destinée risque d’être courte.

Nolwenn observait un homme couché au sol, moins commotionné que les autres qui semblait manifester quelques signes de réveil. Elle s’approcha de lui.

- Où est Cinoque ?

L’homme essayait de s’asseoir, il supportait péniblement sa tête de ses deux mains ouvertes. Nolwenn répéta sa question. Il désigna de la main une hutte non loin de la sienne. La jeune fille se précipita, suivie d’oncle Jacques qui marchait avec grande difficulté. Cinoque enchaîné gisait à même le sol. Oncle Jacques s’empara d’un tube accroché à la ceinture de son armure, du côté opposé de son épée et rompit la chaîne à plusieurs endroits en la désagrégeant.

- On trouvera vite les clefs pour te libérer les poignets, lui dit l’adolescente.

- Merci Nolwenn. Je savais que tu viendrais me libérer. Ce soldat est l’un de tes esclaves ? demanda-t-il en désignant oncle Jacques.

- Pas du tout, c’est mon oncle.

Ils sortirent tous trois, Jacques se retourna et déclencha l’explosion de la hutte avec son laser, pour signifier son mécontentement.

Plusieurs Picaneros sortaient de leur étourdissement. Ils regardaient le trio les yeux exorbités par la peur et l’étonnement.

Une petite ombre quitta la lisière de la forêt et s’avança vers eux. C’était la petite servante. Elle se jeta aux genoux de Nolwenn. L’adolescente la releva et l’embrassa.

- Tu vois oncle Jacques, je n’étais pas seule, j’avais une amie.

Le geste de Nolwenn encouragea d’autres hommes qui se relevaient et venaient vers eux.

- Allez chercher votre tribu. Dites leur que nous ne leur voulons aucun mal, ordonna Jacques.

Une autre silhouette se dirigeait vers eux. Un Picaneros portant quelque chose dans ses bras suivi d’une petite bête. C’était Barnum portant Artémis suivis de Ragon.

- Je te présente d’autres amis, oncle Jacques.

- Je les connais un peu, je les ai surveillés de notre laboratoire, ils étaient cachés à la lisière, certainement désireux de te porter secours, dans l’attente de l’occasion favorable.

Les habitants du village revenaient timidement, très impressionnés, encore apeurés.

 

Fin de la troisième partie…. La suite bientôt.

Vincent Patria Echirolles le 5 août 2000

Retour