Série Parménie

Légende n°2 : Le Royaume d'Effray.

2éme Partie.

4.

Sous le choc, Nolwenn vacilla alors que la flèche retombait à ses pieds. La matière extrêmement résistante de la combinaison, faite en macrolon, matériau synthétique qui malgré sa légèreté offrait des propriétés 100 fois plus performantes que les aciers classiques, avait bloqué la flèche qui de plus, heurta l’enveloppe métallique du programmateur placé sous sa combinaison, contre sa poitrine. 

L’effet sur les petits hommes noirs fut stupéfiant. Comme tétanisés il regardait la grande jeune fille blonde étonnée par leur comportement agressif, debout devant eux, dressée comme une statue divine. Arcs et sagaies s’abaissèrent. L’homme qui avait décoché la flèche s’agenouilla, la tête contre le sol, attendant sa punition. Nolwenn s’avança vers lui, se baissa, prit son menton dans sa main pour lui faire relever la tête.

- Pourquoi m’as-tu frappée, lui demanda-t-elle ? Elle savait que l’homme ne pouvait comprendre son langage, alors elle émit un flux d’ondes télépathiques pour engager la communication.

- Des êtres malfaisants pillent nos villages, tuent ou emportent nos frères pour en faire des esclaves. Nous pensions que tu étais avec eux.

- Certainement pas. Je suis à la recherche de mes parents, je dois les ramener dans notre monde. Les as-tu vu ? Des êtres qui me ressemblent.

L’homme secoua la tête négativement. Les autres s’étaient approchés et suivaient le dialogue télépathique.

- Amène-moi dans ton village !

L’homme se releva et s’engagea dans un sentier suivi par la jeune fille et les autres. Des pisteurs se placèrent à l’avant et d’autres sur les côtés. Avec des ustensiles bizarres dont certains ressemblaient à des sifflets ils propageaient autour d’eux des sons aigus particulièrement désagréables pour chasser ou pour le moins détourner les bêtes dangereuses. Certains ne produisaient aucun bruit, l’extrême sensibilité des sens de Nolwenn détecta des ultrasons. Ils marchaient depuis plusieurs heures, quand soudain les hommes de tête stoppèrent subitement très inquiets. Le sol vibrait alors qu’un son lourd de branches cassées s’amplifiait. Le bruit se rapprochait. Déjà plusieurs hommes prenaient leurs jambes à leur cou, en direction de la forêt plus dense laissée derrière eux. Une tête gigantesque mais cette fois armée d’une mâchoire impressionnante apparut au dessus des hautes herbes. Des dents énormes capables de broyer d’un seul coup un cheval armaient sa mâchoire ouverte. Plusieurs hommes atterrés se serraient contre la jeune fille. Le monstre possédait deux grandes cornes sur le haut du crâne et une petite sur le nez, avec une vague ressemblance à un triceratops. Il semblait revêtu d’une cuirasse en cuir. Très calme, dominant sa peur Nolwenn sortit de sa poche son bâtonnet laser, bien que consciente que cette arme ne pouvait pas tuer une telle créature. Le monstre continuait à avancer. Elle déclencha son laser en faisant des bonds de côté pour essayer d’atteindre les yeux de l’animal. Les rayons couraient sur le crâne de l’assaillant. Soudain, il redressa la tête et se mit à pousser des cris effrayants puis chargea droit devant lui. Le sol vibrait comme s’il se fut agit d’un tremblement de terre. Nolwenn suivie des petits hommes, s’échappa sur les côtés. La bête continuait à pousser des cris terribles. Un homme paralysé par la peur restait sur son parcours. Nolwenn fit demi-tour se saisit du petit homme et échappa de justesse à la charge de l’animal en plongeant sur le côté. Il continua son chemin droit devant lui, certainement aveuglé par les rayons lasers. Les hommes émerveillés par son courage se regroupaient autour d’elle.

- Je crois qu’il n’est pas prêt à recommencer, dit-elle en souriant, maintenant reprenons notre marche.

Il traversèrent un grand espace découvert et se dirigèrent vers une autre forêt.

- Nous serons bientôt au village, dit l’homme qui se tenait à ses cotés. La forêt redevenait dense. Après s’être entretenus avec celui qui semblait être le chef du groupe, les deux hommes qui progressaient en tête partirent en courant.

Ils marchèrent encore 15 minutes et débouchèrent dans une grande clairière, abritant au centre un village formé de plusieurs centaines de huttes disposées en cercles concentriques. Déjà une grande effervescence y régnait. Les deux hommes partis devant en éclaireurs et qui parcouraient le village en criant et gesticulant mirent les habitants en émoi. Ils annonçaient l’arrivée d’une grande déesse blanche nantie de pouvoirs surnaturels. Déjà les notables s’étaient groupés autour de leur roi et venaient au devant d’eux. A sa hauteur, tous s’agenouillèrent respectueusement. Nolwenn leur fit signe de se relever.

Elle se concentra un instant pour canaliser ses ondes télépathiques et expliqua.

- Peuple de la forêt, je ne vous veux aucun mal. Je viens d’un autre monde et je suis ici à la recherche de mes parents. Deux hommes et une femme qui me ressemblent. Lorsque je les aurai retrouvé, je repartirai. Mais pour les retrouver, j’ai besoin de votre aide.

Face à elle, le roi qui ne lui arrivait pas au nombril, hochait la tête.

- Comment veux-tu que nous t’aidions, dès demain, nous allons abandonner notre village pour nous enfoncer un peu plus dans la forêt ? Le village le plus proche de nous a été anéanti hier. Dans quelques jours, ce sera notre tour, il nous faut de nouveau fuir. Nous n’avons pas le temps de construire des protections contre les bêtes sauvages car il nous faut fuir sans cesse, nous enfoncer plus avant dans la forêt aux mille pièges.

- Oui, je sais, soupira Nolwenn. Tout cela est bien triste. Pourquoi ne vous organisez-vous pas pour lutter contre cet infâme tyran ?

- Nous ne pouvons rien contre eux, ils sont forts, puissants, bien organisés et possèdent des armes supérieures aux nôtres. De plus, ils sont aidés par des démons, savent tout ce que nous faisons, où nous nous cachons. En fuyant nous espérons sauver quelques individus. La patrouille qui t’a ramenée était à la recherche des survivants de l’attaque d’hier. Tu vois, du village pillé ils n’ont retrouvé personne. Toi tu sembles aussi posséder des pouvoirs. Toi seule peut nous aider. Je t’en supplie ne nous abandonne pas.

- Détrompe toi, ce ne sont que de petits pouvoirs et seule contre eux, je ne peux rien faire. Je ne peux que vous donner des conseils, malheureusement, je connais mal la situation et pour conseiller, il faut bien connaître, surtout quand il s’agit de la vie de personnes.

- Ecoute, ne restons pas ici à discuter, tu dois certainement avoir faim, viens dans ma maison, je t’invite et nous discuterons en mangeant. Je te souhaite la bienvenue parmi nous, Nous sommes des Picaneros, un village parmi beaucoup d’autres dans cette immense contrée que nous connaissons mal d’ailleurs.

- Bien volontiers, répondit-elle. Je n’ai mangé que des pastilles et je t’avoue qu’un petit repas me ferait beaucoup de bien. Moi, je m’appelle Nolwenn, et toi, comment t’appelles-tu ?

- Agamenon.

Nolwenn surprise, sourit en entendant ce nom qui lui rappelait quelque chose. Agamemnon, un roi de la mythologie grecque. Quelle coïncidence. Y aurait-il un lien ? Son père disait souvent : " Il ne faut s’étonner de rien, des trames occultes lient les mondes et aucun n’est pas sans un certain rapport avec un autre. Les choses sont souvent différentes en apparence, mais révèlent parfois de troublantes similitudes entre elles ".

On l’installa sur un coussin à une table basse rudimentaire formée de planches. Plusieurs jeunes filles s’affairèrent autour d’elle. L’assiette était creusée dans du bois, alors que le verre ressemblait à une noix de coco évidée. D’une jarre en terre cuite on lui servit de l’eau fraîche qu’elle but d’un trait. On déposa des fruits devant elle puis, un peu plus tard, on lui servit un petit animal rôti, parfumé aux herbes qu’elle trouva délicieux.

- Tu sembles avoir faim, lui dit Agamenon en lui souriant.

- Oui, acquiesça-t-elle, mais dis moi Agamenon, ta patrouille n’a pas ramené de survivants, pourtant, il y a certainement eu des blessés.

- Ils les emportent.

- Ah ! Pour les soigner.

Agamenon secouait la tête, le visage lugubre.

- Non ! Pour les manger.

- Hein ! fit Nowenn en sursautant, mais c’est impossible ! Elle laissa tomber son bout de viande écœurée. Tu plaisantes, ils ne peuvent pas faire ça.

- Si ! Malheureusement, leurs soldats ne sont pas des humains mais des mutants, moitié homme, moitié animal, ce sont des Korgalous. Ils sont farouches, sanguinaires et totalement dévoués au grand maître. Pour lui nous sommes des esclaves et de la nourriture pour son armée. Quand un esclave n’a plus la force de travailler il est donné en pâture aux soldats. C’est pour cela qu’ils sont sans cesse à la poursuite de notre peuple. Tous les 15 jours ils font une expédition. Nous n’avons jamais réussi à nous soustraire à leurs attaques en nous cachant efficacement, ils nous dénichent avec une facilité déconcertante. Les villages aux abords de la cité disparaissent les uns après les autres. Le prochain, ce sera le nôtre.

La jeune fille réfléchissait.

- Et si vous partiez très loin ? Je ne connais pas votre monde, mais s’il est grand, vous pourriez par les distances mises entre votre peuple et la cité, rendre ses expéditions plus difficiles.

- Nous ne le pouvons pas, les autres villages ne nous laisseraient pas passer. Il est dit que si nous nous regroupions, le grand maître massacrerait tout le monde. C’est la loi, nous ne pouvons pas y échapper.

- Ce que tu me dis là est stupide. La plus élémentaire logique, impose votre union pour lutter contre ce monstre. Ne me dis pas que vous n’y avez jamais pensé.

- Tu ne nous comprends pas. C’est la loi, nous n’y pouvons rien, il n’est pas question d’essayer de résister.

Nolwenn avala un dernier verre d’eau et se leva.

- Merci pour ce bon repas, Agamenon. Certainement le dernier bon repas, puisque vous allez tous mourir. Moi je vais continuer mes recherches seules. Si je dois me battre, je me battrai seule, ce ne sont pas des poltrons qui peuvent m’aider. Si vous accepter de mourir sans combattre tant pis pour vous, adieu.

Sur ce elle sortit et se dirigea vers l’orée de la forêt. Désemparé Agamenon la regarda partir ainsi que de nombreux Picaneros qui dehors attendaient qu’elle sorte.

- Ne nous quitte pas ! Reste avec nous ! Je t’en supplie, criait le petit roi.

Sourde à ses appels, elle continuait sa route vers la forêt.

Un attroupement s’était formé autour du roi, tous désireux de savoir la raison de ce départ précipité de la déesse blanche. Deux petits hommes noirs se détachèrent du groupe et coururent dans sa direction. Elle reconnut l’homme qui lui avait décoché une flèche et celui qu’elle avait sauvé du piétinement du monstre.

- Nos vies t’appartiennent, déesse blanche, amène nous avec toi, nous te servirons.

Derrière les larmes de sa déception elle eut la force de sourire et leur fit oui de la tête. Elle s’engagea sur le sentier qui pénétrait dans la forêt encadrée des deux Picaneros. Ils marchèrent plusieurs heures, Nolwenn avançait la tête vide, ne sachant ni où aller ni que faire. Le sentier qu’ils suivaient se dirigeait vers le village suivant situé à deux jours de marche. Avisant un rocher au bord du sentier elle s’arrêta et s’assit sur la partie la plus plate. Ses deux gardes du corps en firent autant, sans cesser de donner de temps à autre des coups de sifflets, de leurs engins bizarres, pour chasser les bêtes dangereuses, tout au moins, certaines catégories, car toutes n’étaient pas aussi sensibles aux ultrasons. Elle commençait à regretter d’être partie aussi précipitamment du village d’Agamenon. Elle regrettait surtout d’avoir cédé à un sentiment de colère, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Son père l’aurait grondée. " On doit toujours maîtriser ses sentiments et ses pulsions ne cessait-il de lui expliquer, sinon, on va tout droit à la catastrophe ".

Silencieux les deux Picaneros attendaient.

- Comment vous appelez-vous, demanda-t-elle ?

- Moi, c’est Cinoque, fit l’homme qui lui avait décoché la flèche et lui, c’est Barnum. Où comptes-tu aller ?

- Je ne sais trop, mon but, c’est la citadelle car je suis certaine que mes parents sont là-bas et pourtant, je me dirige à l’opposé.

- Tu sembles posséder beaucoup de pouvoirs, pourquoi n’essayes-tu pas d’entrer en communication avec eux ?

Nolwenn sourcilla. Comment expliquer à ses deux nouveaux compagnons que ses parents étaient des anges blancs dotés de nombreux pouvoirs, mais que pour se protéger des influences démoniaques, ils avaient bâti autour de leur aura, une ceinture impénétrable ? Estimant que Nolwenn était insuffisamment aguerrie pour combattre à leurs côtés, ils ne lui avaient pas encore communiqué le code secret qui ouvrait une brèche dans cette ceinture psychique protectrice.

- Pour l’instant, je ne peux pas, se contenta-t-elle de répondre. Je vais marcher jusqu’à ce que je trouve quelqu’un pour m’aider.

- Le maître est trop puissant, tu ne trouveras personne pour t’aider.

- Alors, j’irai seule.

Les deux Picaneros baissèrent la tête, convaincus que les jours de leur déesse étaient comptés.

- Nous nous dirigeons vers le prochain village, il est peu vraisemblable qu’ils nous accueillent, dans le meilleur des cas, ils exigeront notre départ immédiat. C’est la loi.

- Je le sais, mais devons essayer. Soudain, elle fronça le sourcil. Chut ! fit-elle à voix basse.

Elle posa ses deux mains sur ses genoux, redressa le buste, ferma les yeux et écouta. En réalité, elle n’écoutait pas mais ses récepteurs psychiques essayaient de capter d’autres ondes. Elle resta ainsi immobile plusieurs minutes, puis se pencha vers Cinoque et lui murmura à l’oreille.

- Dans les fourrés, à 50 mètres droit devant nous, il y a deux êtres pensants. Avec Barnum essaye d’en capturer au moins un, qu’on sache qui ils sont.

Cinoque et Barnum conversèrent à voix basse, puis, avec des airs de promeneurs innocents, partirent chacun de leur côté. Ils décrivaient un arc de cercle allant en se resserrant., vers le point suspect. Soudain les deux Picaneros se rabattirent. Il y eu des cris, un bruit de lutte et Barnum réapparut en portant un petit animal. Cinoque se lançait à la poursuite du deuxième qui lui avait échappé. Barnum déposa l’animal étourdi au pieds de Nolwenn qui l’examina avec grand intérêt. Il avait une tête presque humaine, un nez allongé comme un chien et d’affreuses oreilles énormes, avec de petits yeux très enfoncés sous des orbites proéminentes. Ses pattes arrières semblaient puissantes à l’inverse de ses pattes avant. Si la tête était plus proche d’un humain le corps par contre, avait quelque chose d’un singe.

- Qui es-tu demanda Nolwenn ? Que fais-tu ici, et pourquoi nous suis-tu ?

L’animal ne répondait pas.

- Je sais que tu peux parler et penser. J’ai capté tes ondes psychiques, alors réponds-moi, ou je serai obligée d’employer la manière forte.

Il refusait de parler, semblait terrorisé. Cinoque apparut derrière un arbre, portant le deuxième " animal ". Il le déposa aux pieds de Nolwenn qui se retourna vers Cinoque l’œil sévère.

- Excuse moi, ma reine, il allait m’échapper, je me suis cru obligé de lui envoyer une flèche. Il a reçu la flèche sur le haut de sa patte arrière. Si c’est un espion, je ne pouvais pas le laisser partir.

- Tu utilises un peu trop facilement ton arme, Cinoque. Maintenant, il faut le soigner. On ne peut pas l’abandonner comme ça. Elle se tourna vers Barnum. Attache ton prisonnier pendant qu’on soigne celui-là.

Elle allongea le blessé près de la pierre et fit des passes magnétiques pour l’endormir. Quand il ne présenta plus aucun signe de conscience, elle arracha d’un geste vif la pointe de la flèche. Le sang se mit à jaillir. Après avoir nettoyé la plaie avec l’eau d’une des gourdes, elle pinça les lèvres de la blessure de la main gauche pendant que la droite décrivait de petits cercles au dessus de la blessure.

- Trouve-moi, des feuilles pour faire un pansement et des herbes sèches pour le fixer, ordonna-t-elle à Cinoque.

Un peu plus tard, le pansement était fait alors que le blessé sortait de l’inconscience.

- Nous allons reprendre notre route. Peux-tu me trouver de petites lianes pour l’attacher sur mon dos, demanda Nolwenn à Cinoque.

Elle estima son poids à cinq ou six kilogs. Certes au fil des kilomètres cette charge lui poserait des problèmes et la freinerait certainement, mais elle ne pouvait se résoudre à l’abandonner dans cette forêt pleine de prédateurs. Les deux Picaneros essayèrent bien plusieurs fois de la soulager de cette charge, mais elle préférait les laisser libres de leurs mouvements afin de mieux assurer leur sécurité. Ils trouvèrent un abri pour passer la nuit et au petit matin repartirent de bonne heure. En fin de journée, ils aperçurent au loin, au travers des branches, le village inconnu. Avisant sur le côté plusieurs rochers en arc de cercle, elle proposa une petite halte, pour souffler un peu. Le poids du blessé se faisait sentir lourdement. Elle le déposa au pied d’un rocher sur de la mousse fraîche. Il semblait mal en point, l’infection commençait ses ravages. Elle fouilla dans son sac et sortit une pastille.

- Tu vas avaler cette pastille, ça te fera du bien.

- Pourquoi faites vous ça, demanda l’autre prisonnier, pourquoi ne nous tuez-vous pas de suite ?

C’était ses premières paroles.

- Parce que nous ne sommes ni des barbares, ni des assassins, lui répondit la jeune fille.

- Vous préférez nous garder vivants avant de nous dévorer.

Nolwenn partit d’un grand rire. "  Encore moins ! Nous ne mangeons pas de chaire humaine, mais au juste, qui êtes vous ? je vous considère humain, parce que vous parlez et pensez, mais je ne sais rien de vous ".

L’être hésitait, puis, peut-être séduit par le sourire de la jeune fille ou poussé par ses ondes psychiques, il se décida à parler.

- Nous sommes des " Minustros ". Notre peuple vit au fin fond de ce monde. Le maître au cours d’une expédition a ramené toute une colonie de notre peuple. Nous sommes ses esclaves, il nous utilise pour espionner les Picaneros, car nous connaissons bien la forêt. A la moindre désobéissance, nous sommes punis de mort.

Puis elle se tourna vers le prisonnier qui suivait la discussion avec beaucoup d’intérêt.

- Si je te libère, que feras-tu ?

- Je retournerai au château pour rendre compte au maître de la situation.

- Et tu seras récompensé ?

- Non ! Il me tuera pour m’être laissé capturer.

- Pourquoi alors, ne pas rester avec nous ? Tu sais, on n’a pas du tout l’intention de te manger.

- Eh bien ! Je ne sais pas, l’idée ne m’a jamais effleuré l’esprit.

- Libère le, fit Nolwenn à Barnum.

Le Picaneros, la dévisagea surpris par cette décision, mais s’exécuta. Le Minustros, se frotta les deux pattes de devant qui lui servaient aussi de mains et s’approcha de son compère blessé. Il lui parla, essayant de le réconforter. Nolwenn suivait la scène en souriant. Cet épisode révélait l’existence de sentiments chez ces êtres pour le moins curieux. Elle regardait ce petit monde autour d’elle. Ces êtres bizarres, dignes d’un monde de légendes. Mais les légendes à notre époque moderne, existent-elles encore ? Cinoque s’approcha d’elle, il paraissait inquiet.

- Maîtresse !

- Ne m’appelle pas maîtresse j’ai horreur de ça, appelle-moi Nolwenn.

- Oui maît… Nolwenn. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée d’aller dans ce village. Nous n’entretenons pas de bonnes relations entre villages, tu comprends, la tradition, l’interdiction… Nous risquons d’être très mal reçus, chassés ou même tués.

- Oui, je le sais Cinoque, mais c’est notre seule chance. Si nous ne convainquons pas ces gens à nous accepter, nous sommes perdus. Nous devons tenter le tout pour le tout.

- Alors, laisse-moi y aller seul. Je parlementerai avec eux. Si je ne reviens pas, alors, continuez votre route en évitant le village.

Ils en débattirent un long moment, puis Nolwenn finit par accepter. Elle n’était plus seule maintenant, elle était responsable de la vie de trois autres êtres. Cinoque partit sans se retourner. La jeune fille admirait le courage de ce petit homme noir. 1 mètre10 environ, 30 ou 40 kilogs. Elle s’agenouilla près du blessé et constata avec satisfaction, que l’antibiotique qu’elle lui avait administré, sans savoir s’il pouvait avoir de l’effet sur ce type d’organisme, apportait déjà une nette amélioration. Le Minustros constatait lui aussi cette amélioration, il lui sourit.

- Comment t’appelles-tu, lui demanda-t-elle ?

- Artémis, répondit-il dans un soupir.

Décidément, bien que ces être fussent très particuliers, leurs noms par contre lui étaient familiers. Comment expliquer ça ? " Si quelqu’un le sait, qu’il me le dise " murmura-t-elle inconsciemment.

- D’où viens-tu ? Que fais-tu ici ? continua le blessé.

- Je viens d’un autre monde. Je suis à la recherche de mes parents. Si tu sais quelque chose, dis-le moi, je t’en supplie. Je t’en serai gré toute ma vie.

- Oh ! Je peux te le dire, puisque je vais mourir. Il y a trois prisonniers au château, ils te ressemblent. Je présume que ce sont eux.

- Merci Artémis. Je m’en doutais un peu. Maintenant que je sais où ils sont, je vais tout faire pour les libérer. Mais rassures-toi Artémis, tu ne vas pas mourir. J’ai ce qu’il faut pour te soigner.

Le collègue d’Artémis secouait la tête.

- Tu ne peux rien faire. Le château est imprenable. Il y a beaucoup de soldats. Il y a les soldats esclaves, les Korgolans qui sont forts et puissants, et puis aussi, il y a des êtres qui te ressemblent un peu, des humains dans ton genre. Ils représentent la garde du maître et se déplacent sur des montures rapides. Dès qu’ils auront connaissance de ta présence, ils partiront à ta recherche et t'auront bien vite rattrapée.

Le Minustros ne lui apprenait rien, ça elle le savait, mais elle était fermement décidé à tout tenter pour sauver les siens, même au péril de sa vie, car elle savait que la vie sans eux lui deviendrait vite insupportable.

Barnum et le Minustros valide partirent à la recherche d’un peu de nourriture. Ils ne furent pas absents longtemps et revinrent avec un petit animal, qu’ils mirent à cuire sur un feu de bois. Après le repas agrémenté de quelques fruits cueillis par le Minustros, ils s’installèrent pour se reposer en attendant le retour de Cinoque. Ils placèrent dans la mousse fraîche les gourdes d’eau qu’ils avaient remplies.

Le temps passait et Cinoque ne revenait pas. De temps à autres Barnum grimpait sur le plus haut rocher et scrutait le village. Tout semblait immobile. Ragon, le Minustros valide, s’éclipsait quelques instants pour grimper avec une agilité surprenante dans les arbres. Nolwenn comprit que ces êtres faisaient corps avec la forêt dont ils n’ignoraient aucun mystère. Rien ne leur échappait et ce n’était pas sans raison que le grand maître en avait fait ses espions. Ils étaient si doués que les Picaneros ignoraient leur existence alors qu’ils étaient autour d’eux pour les espionner. Si ce ne fut son exceptionnelle faculté à déceler toutes les ondes psychiques, elle n’eut sans aucun doute jamais détecté leur présence. Ils devenaient maintenant pour elle de précieux auxiliaires. Soudain, Barnum descendit précipitamment du rocher en gesticulant.

- Viens voir. Je crois que c’est pas bon pour nous.

Ils remontèrent tous deux sur le rocher et contemplèrent la petite colonne qui venait dans leur direction.

- Ils viennent nous chercher. Ils sont armés. Où ils veulent nous faire prisonniers où ils veulent nous tuer. Fuyons pendant qu’il est encore temps.

Nolwenn les regardait venir sans parler. Elle réfléchissait.

- Fuir ne servirait à rien. Retourner dans ton village ne nous accorderait que quelques jours de survie, puisque dans moins de 15 jours, les Korgolans vont l’attaquer. Pars si tu veux, moi, je reste.

- Je ne t’abandonnerai jamais. Je te l’ai promis.

La colonne avançait rapidement. On les distinguait mieux maintenant. Environ une trentaine de Picaneros armés d’arcs et de sagaies.

- Nous aussi, on reste avec toi. Je ne peux pas partir en abandonnant mon compagnon blessé, déclara Ragon.

Fin de la deuxième partie…. La suite bientôt.

Vincent Patria Echirolles le 29 juin 2000

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