Votre Commissariat.
Prologue:
Sur les grands chemins qui mènent au cabinet de mon psychoplâtre attitré, conventionné et désigné par les services sanitaires de la Préfecture, je rencontre chaque jours de fidèles lecteurs qui m'assaillent de questions quant à l'organisation de ce commissariat exemplaire devenu depuis quelques mois le phare obscur du monde de la criminalogie moderne, scientifique, populaire et agraire.
Je vous laisse découvrir ces lieux en compagnie de Le Noble l'auteur de l'intrigue n°5 qui, entre deux séances de sa psychothérapie dispose de plus de temps que moi pour vous présenter ces lieux classés dans le site des monuments les plus délabrés du patrimoine historique français par le ministre de l'extérieur, du vent et des courants d'air.
J'espère que cette présentation vous aidera à mieux suivre nos enquêtes et le cheminement héroïque de tout mon personnel qui profite de l'occasion pour vous présenter ses plus joyeuses condoléances. Merci à tous d'être venu et tant pis pour ceux qui resteront.
Le commissariat central :
Définition: Lieu public accessible à tous les citoyens Français et non Français. Les autres, pour y pénétrer, sont priés d'adresser leur demande au service des abonnés absents.
Description : Imaginez une uvre architecturale unique où toute la beauté du style mégalithique moderne a explosé dans ses formes évocatrices et harmonieuses d'un parallélépipède rigoureusement rectangle, fait de matériaux nobles tels que le béton et le verre, long de 50 mètres et atteignant grâce à ses 6 étages initiaux une hauteur de 18 mètres. Actuellement, nous avons 7 étages car nous en avons rajouté un à la partie inférieure. Cette adjonction s'est faite en deux temps. C'est le voisinage de deux fleuves tempétueux : l'Isère, appelée par les indigènes "Le Dragon noir" et le Drac surnommé par les mêmes " Le Dragon qui pue" qui conduisit les arts-chie-teck, à protéger ce bâtiment contre les inondations et pour se faire, le dotèrent de piliers de surélévation eux mêmes posés sur un terre plein surélevé, le mettant ainsi à l'abri des marées noires, grises et blanches même par fort coefficient.
Dès sa création, à l'occasion des Jeux Olympiques Divers, ce qui justifia sa grandiosité, la fréquentation de ce bâtiment connut un engouement frénétique. De bon matin, les salles d'accueil étaient bondées ce qui obligeait le public à patienter dehors, sous le bâtiment, ouvert aux quatre vents. Certains commencèrent à mettre des tôles pour se protéger du vent. Ils purent ainsi allumer des feux pour se réchauffer où faire cuire des châtaignes, ou des saucisses pur porc de commerce.
Le dynamisme de cette population, toujours avide d'entreprendre, (même chez les autres), se révéla pleinement dans la création d'une foule de petits commerces sous le plancher des vaches, du commissariat. A l'aile Nord, s'installèrent les marchands de merguez, beignets, boisons alcoolisées, glaces chaudes l'hiver, glaces froides l'été, auxquels vinrent s'ajouter les vendeurs de légumes, de fruits, de cigarettes de contrebande. L'aile Sud abritait des commerces plus nobles : marchands de journaux, maroquiniers du Maroc, vendeurs de bibelots et de bibles du vin, couteaux, ciseaux, grattoirs en tous genres. Au passage remercions le ministère bidon de l'aide à la création d'entreprises qui les a tant aidés, en distribuant généreusement sa manne céleste, son forme d'impôts et de cautions démesurés.
Face à la détresse insoutenable, de tout ce petit monde agressé par les morsures du froid, du vent, des retenues obligataires et de toutes les autres calamités, la société protectrice des animaux obtint des pouvoirs publics, pour la protection de ce volume, l'édification de cloisons et de baies vitrées. Et c'est ainsi que naquit cet immense hall jalousé par toutes les polices du monde.
Le génie humain qui passait par là, apporta sa touche bienfaitrice, avec dans sa hotte tout ce qui symbolise le confort moderne. En premier lieu on édifia de vastes toilettes avec urinoirs à douches. Malheureusement ces derniers furent pris d'assaut par les femmes pour faire leurs lessives ce qui contraignit ceux sollicités par des besoins urgents à utiliser les gamelles des cuisines. Notre divisionnaire toujours soucieux de la bonne santé de sa clientèle, obtint l'implantation à cur ouvert, d'une antenne de médecins sans frontières et sans visas. Ces derniers installèrent des distributeurs automatiques de médicaments et d'accessoires de soins d'urgence. Parmi eux, on peut remarquer dans son magnifique écrin de cheval, un distributeur de pansements, à empreintes digitales qui fournit les pansements en fonction de la masse manuelle de votre main qu'il vous suffit de placer sur l'écran de commande. Ce complexe médical, pas très simple est accompagné d'un distributeur de médicaments à programmation neuronique, fonctionnant par l'analyse de l'haleine du patient. Il vous suffit de souffler dans un cornet pour qu'aussitôt les chromo-zones-franches détectés dans votre souffle, soient analysés par un cerveau électronique greffé aux trois neurones d'un gastropode. Le principe de fonctionnement de ce cerveau semi-artificiel est fort simple. En tricotant la laine de votre souffle, au lieux de produire un écran contre le froid, il crée un écran de visualisation, qui visualise, analyse, détermine, communique, pour une fois la doctorisation terminée donner l'ordre au tiroir con-cerné de s'ouvrir pour vous offrir le médicament adéquat. L'ordonnance est délivrée automatiquement afin que les patients puissent se faire rembourser par la Sécurité Sociale, les médicaments gratuits. Puis l'ordonnance, repart vers son colonel.
Les ascenseurs sont sur la gauche, au fond. Celui réservé aux officiers de police est équipé de toilettes, lavabos et douches. Ceux réservés au public, sont plus dépouillés, ils ne comportent qu'un bar et un salon multimédia. Par contre un effort tout particulier a été fait pour les handicapés puisqu'on peut trouver dans l'ascenseur, une salle de sports, une piste de course à pieds et des roues de rechange pour leurs chaises, avec une notice de montage en braille.
Pour ne pas être trop long, nous tairons la multitude d'autres équipements enrichissant ce hall moderne, ouvert à la culture et au jardinage. Mon père me disait toujours que le plus court est le moins long.
Mais l'honnêteté nous oblige à signaler au reste du monde qui nous lit et nous écoute, le petit plus tout particulier qui caractérise cette immense salle d'attentes et de convivialités qui fait tant d'envieux.
Au centre du hall, sur des supports sculptés en inox lisse et dépoli, se trouvent les magnifiques boites cubiques des distributeurs de tickets pour ordonner et canaliser l'attente et l'oncle. La boite rose pour les viols, rouge pour les crimes, marron pour les agressions avec violence, bleue pour les agressions sans violences, verte pour les objets perdus dans la nature, blanche pour les personnes égarées et jaune pour les dons. Au plafond les boites lumineuses d'appel des numéros vous permettent de suivre l'avancement de la progression . Le tout complété, évidemment de hauts et beaux parleurs pour appeler les numéros Un ordinateur consultable sur présentation de votre numéro de sécurité sociale, vous indique approximativement le temps d'attente, à un jour prés. Ainsi beaucoup d'hommes, dés qu'ils ont connaissance du temps d'attente s'en vont jouer aux boules devant le commissariat. Précisons que les immeubles voisins ont été rasés pour permettre la construction de ces jeux de boules. L'idée a germé dans le cerveau de notre divisionnaire, un jour où déguisé en mendiant, pour être mieux à l'écoute et en meilleure symbiose avec le peuple, il entendit répéter par ce peuple frémissant cette phrase, que nous avons tous proféré : " Quand je vais au commissariat, j'ai les boules ". Un jeu de boules s'imposait donc, logique, inéluctable, ça boule de source.
Depuis, les statiques affichent une baisse d'environ 50% des délits. Comprenez bien qu'un plaignant pris par une partie de boules passionnante, ne va pas s'emmerder à aller voir les flics, quand son tour arrive. Les femmes quant à elles ont une salle de tricots. En général, elles tricotent l'haleine de leurs voisins dont on a parlé précédemment. Depuis l'instauration de la parité obligatoire, beaucoup d'hommes sont venus les rejoindre, ce qui nous a amenés à créer une salle de couture supplémentaire, afin qu'ils puissent tailler des bavettes, des salles de soins pour maladies infectieuses et d'accouchements, il va de soi (naturelle) évidemment.
C'est décidé, j'arrête ici la présentation trop longue du hall, ce qui m'oblige à résumer la suite. Et pourtant, il y a tant à dire et à médire.
A l'arrière, d'autres immeubles ont été rasés, pour créer un parking pour les cars venus de tous les coins du monde et convergeant tous ici. Chaque pays a son parking. Tancé, sans ménagements par l'ONU le gouvernement s'est vu obligé de créer une ligne spéciale TGV dont la gare aboute le commissariat sur sa face Nord, tout près de la gare spéciale des trams. On ne peut pas se tromper en prenant ces transports, que ce soit de Tokyo ou de New-York car tous les véhicules sont peints en damiers noirs et blancs et possèdent des gyrophares bleus, devant dessus et derrière et dessous troublants. Les inscriptions sont écrites en japonais au départ de New-York, en Russe au départ de Tokyo. En Javanais au départ de Londres. Pourquoi en noir et blanc ? Le noir, c'est la couleur de Black.Polar et le blanc celle du continent noir. (Souvenez-vous d'Alger la ville blanche).
Du sous-sol, nous en avons parlé dans de précédents romans qui ont tous obtenus les 7 d'Or de l'oubli, au dernier festival des oubliettes. Il est vrai que notre uvre n'est pas destinée au monde littéraire mais à tous ces braves gens qui comme vous et moi ne sommes pas enfermés dans des carcans littéraires, conventionnels, dictaturiaux , (imposant leurs modèles d'écriture, car incapables de mal écrire), alors que nous, notre seul but est de nous offrir un petit moment d'évasion. (Mieux que le bain debout, le bain de sang). D'ailleurs, la littérature ne peut être qu'un monde d'illusion et de déception, car après avoir bien concocté une petite histoire noire, sordide, déguellasse, vous ouvrez votre journal, vous constatez que votre papier est de l'eau de rose face à la réalité. La réalité dépasse la friction comme disait mon mécano.
Rappelons tout simplement que les bureaux et labos de la balistique sont installés au sous-sol, à côté des labos des services techniques dotés des derniers équipements scientifiques : spectrophotomètre, chromatographe, mirospectrophotomètre, appareils d'analyses électroniques, à rayons ultra-violets,X,Y jusqu'à rayons de vélos, couplés à des ordinateurs supers puissants. Ensuite, nous avons le labo des médecins légistes . Il n'en est pas moins superbement équipé, capable de vous analyser n'importe quel fragment, de n'importe quoi, de déterminer son origine, son passé son présent son futur, de vous trouver un chromosome égaré, même où il n'y en a pas et de vous dire si votre ancêtre était un singe ou un Dieu. Notons au passage que maintenant il n'y a plus de descendants de Dieu, car depuis que les hommes, volent, violent, tuent en son nom, il est parti sur une autre planète. Il a enfin trouvé une planète inhabitée, où là au moins, il est sûr de ne pas se tromper.
Nous terminerons par la morgue, ce nud de communications qui accueille sans distinctions de races de couleurs de religions tous les individus, tous les hommes de bonne volonté qui se précipitent en masses compactes vers ce sanctuaire. De loin le plus important, le plus fréquenté ainsi que son atelier de dissection équipé de scies circulaires, à rubans, de disqueuses à disques en diamant, de marteaux-piqueurs à commande oléo-alcoolique. Arrêtons cette énumération et terminons cette présentation en deux mots, car nous vous décrirons avec plus de détails les bureaux dans les épisodes prochains. Sachez pour l'instant que nos héros créés spécialement pour vous hantent le deuxième étage. Un immense couloir coupe cet étage en deux. Au centre du couloir à gauche, face à l'escalier, une grande salle vitrée, abrite du vent les inspecteurs de la police judiciaire. Les bureaux des commissaires encadrent cette salle. Nous trouvons ensuite les salles de réunion, 3 petites et une grande.
A l'opposé, toujours à gauche, à côté du minuscule bureau de Barrière, la salle dite des "interrogatoires" appelé aussi par les intimes: "Le confessional"
De l'autre côté, sur la droite, le bureau de Blondel, puis le poste de commandement pour les opérations de grande envergure jouxtant le poste d'écoutes, où sont rassemblées et triées les plaintes, le dispositif de suivi des voitures de police et des communications en général et caporal aussi.
J'espère que ces explications claires, précises détaillées, vous aideront à mieux suivre le parcours de nos agents. Le commissariat central de Grenoble se tient à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire inutile à la poursuite de votre heureuse vie de bons citoyens fidèles à black.polar. Sur ce je vous quitte en vous embrassant tous bien fort et sans reproches, l'ambulance qui doit me conduire à ma séance de psychoplâtrerie vient d'arriver. Chaio ! à bientôt toto !
Alexandrin Lenoble
Biographie de lauteur:
Vincent Patria a vu le jour par une nuit sombre, sans lune, dans un cactus, en 1931. Technicien dans une entreprise grenobloise pendant sa vie active, se défoule à ses moments perdus (comme lui), dans l'écriture où il passe de bons moments avec ses personnages sordides ( presque aussi noirs que lui...surtout le soir). Rien de spécial à dire sur cet individu. Banal ou intéressant comme tout un chacun....selon le côté de la lorgnette et selon le lorgneur.