Enigme n°6

Ni vu, ni connu.

La voiture roulait dans les rues encombrées de Grenoble, où comme sur un champ de bataille chacun essayait de passer devant l’autre comme si ce fut le but suprême de sa vie. Faut vous dire qu’à Grenoble, comme ailleurs, ce ne sont pas les valeurs spirituelles qui passionnent les individus. Gagner une place dans une file de voitures chez les primaires ça dépasse tout ce qu’on peut imaginer de jouïssable. Anaïs s’amusait à lire les réactions d’Emile sur son visage, chaque fois qu’un automobiliste se payait des fantaisies pas très catholiques.

- Emile ! regarde, là sur la place, il y a une place.

Le jeune policier s’empressa de quitter la rue encombrée pour s’engager dans la petite ruelle qui menait à la place où il put garer sa voiture à la place indiquée.

- J’en ai pas pour longtemps, j’achète un paquet de cigarettes et je reviens de suite.

C’était l’heure où les gens commencent à regagner leur domicile ce qui provoque une pointe dans la circulation, mais sur la place, tout près du cours Jean Jaurès, un calme relatif régnait en cette fin de journée, la dernière de l’été. Pour passer le temps, Anaïs regardait la vie s’étaler autour d’elle. Une petite fille la main dans la main avec sa maman, grignotait le quignon de la baguette de pain, qu’elle tenait sous son autre bras. Un monsieur lisant son journal percuta sur le parking, un cycliste qui semblait pressé. Aussitôt le ton monta entre les deux hommes. L’un accusant l’autre de lire le journal sans regarder devant lui, l’autre l’accusant de rouler trop vite sur un parking. Les charmes de la vie quotidienne en ville quoi. Une grand-mère faillit les bousculer, elle aussi semblait pressée, elle portait une longue robe grise, un petit chignon sur la tête et une paire de baskets. Sûrement une sportive, la mémé. En montant dans sa voiture, un coupé Mégane, elle laissa choir ses lunettes et démarra aussitôt.

L’attente ne fut pas longue car déjà Emile sortait du bureau de tabac, son paquet de cigarettes à la main. Sur le trottoir, il rencontra un monsieur qui le salua et les deux pipelettes, entamèrent une longue discussion avec force gesticulations. Il faut dire qu’Emile est très connu à Grenoble et il ne peut pas faire un pas sans être accroché. C’est le personnage emblématique de la ville. Soudain, il y eut comme une vague sur le trottoir. Des gens qui s’agittaient et s’attroupaient, Emile se précipita dans la boulangerie voisine et revint en courant vers la voiture, où il s’empara du téléphone.

- On vient d’agresser la boulangère, elle a pris un bon coup sur la tête et on lui a volé son tiroir caisse. Il précisa les coordonnées avant de reposer son micro. Puis il se tourna vers Anaïs en ajoutant. Le type devait guetter et a profité d’un moment où il n’y avait personne pour faire son coup. Il a été rapide. Ni vu, ni connu.

- Ni vu, ni connu, ça c’est pas sûr.

- Pourquoi ? t’as vu quelque chose ?

- Non rien, mais tu devrais faire contrôler cette voiture fit Anaïs en tendant à Emile un bout de papier où elle avait griffonné un numéro.

Fin.

Anaïs Blondel Echirolles le 24 septembre 2000

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Salut ! A bientôt pour une autre énigme.